Nous tous, pauvres pécheurs invités

 

C’est un risque ; ce peut être pour nous une inclination naturelle dont il faut se méfier : n’inviter que ceux que nous apprécions, ceux qui sont de notre milieu social et partagent en tout nos convictions et nos valeurs, pour finalement nous enfermer dans notre petit monde de bien-pensants.

 

C’est encore un risque : celui de rêver d’une Eglise de purs, exempts de souillures et de tout ce qui défigure,  tenant à distance ceux qui trébuchent et peinent dans leur vie chrétienne. Ce n’est pas un risque d’aujourd’hui. Déjà dans l’Ancien Testament, un vieux tabou rituel interdisait aux gens difformes de participer aux cérémonies du Temple. Quant à la « règle de Qumran », contemporaine du temps du Christ, elle stipulait : « Que nulle personne frappée d’impureté humaine n’entre dans l’Assemblée de Dieu … que ces personnes n’entrent pas pour prendre place au milieu de la Congrégation des Hommes de renom ».

 

Que nous dit Jésus dans l’Evangile de ce jour ?  » Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner,  » … invite, oui  » invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles « , invite et invite encore.

 

Imaginons un instant que nos relations humaines se recroquevillent sur les seuls membres de notre famille et de nos  proches amis, notre univers serait alors si petit !

 

Imaginons plus encore que nos assemblées dominicales ne nous placent qu’au côté de personnes éminemment respectables et socialement fréquentables, notre Eglise serait alors tellement défigurée ! Où serait l’assemblée de pécheurs appelés par le Christ pour se laisser sauver par la puissance de sa Miséricorde ? Vous voyez-vous à côté de votre voisin, peut-être difforme et disgracieux, étranger, mal habillé ou perturbé, lui lancer : « Que fais-tu là ? C’est le repas du Seigneur ; tu n’y as pas ta place. Tu es moins digne que moi, plus pécheur que moi, moins aimé que moi, moins sauvé que moi … Comment puis-je supporter ta présence ? ». Que dirait alors Jésus à votre voisin dérangeant ? : « Mon ami avance plus haut ». Que vous lancerait le Sauveur ? « Cède-lui ta place ; va-t’en donc à la dernière ».

 

Saint Augustin dont c’est la fête en ce 28 août avait cette belle formule à propos de l’Eucharistie : « Ce pain vous raconte votre propre histoire ». En chaque messe, avant d’aller communier, ne disons-nous pas : « Seigneur je ne suis pas digne… » ? Ce pain nous rappelle en effet que nous sommes de pauvres pécheurs rachetés et sauvés par le corps et le sang du Christ offerts par amour pour nous… par amour pour tous. Notre histoire n’est nullement celle de gens purs et irréprochables ; c’est celle de nos misères et de nos émerveillements devant la Miséricorde du Sauveur.

 

« Jésus était entré dans la maison … » Ainsi commence le passage d’Evangile de ce dimanche. De retour de vacances, pour bon nombre d’entre nous, nous retrouvons notre maison. Jésus y entre ; il est là non point parce que nous en sommes dignes mais parce que nous ne pouvons nous passer de Lui. Au terme de cette période estivale, nous retrouvons aussi notre église. Jésus, là encore, y est présent, de sa présence eucharistique bien réelle. Nous répondons à son invitation, non point parce que nous sommes saints mais parce que nous avons tellement besoin de Sa Miséricorde.

 

Père Gilles Morin

Curé

Pleinement d’accord

 

Le Brexit de la Grande Bretagne a marqué l’actualité de ces derniers jours. Cette décision référendaire a secoué nombre de nos personnalités politiques. À cette occasion, plusieurs et non des moindres, à commencer par notre Président, ont souligné l’importance de revenir aux valeurs fondatrices de l’Europe, et donc à celles des fondateurs. Je ne peux que souscrire pleinement à cette bonne intention. Encore faut-il accepter loyalement d’identifier clairement ces valeurs.

 

Cracovie : ce nom évoque spontanément pour nous le lieu des prochaines J.M.J qui se tiendront en cette ville du 26 au 31 juillet. Cracovie : ce nom nous renvoie aussi à Karol Wojtyla, le saint Pape Jean-Paul II qui a tant marqué l’histoire de ces dernières décennies et dont l’Europe fut l’une des grandes préoccupations.

 

« L’Europe, écrivait-il, a besoin d’un saut qualitatif dans la prise de conscience de son héritage spirituel … je te le répète encore aujourd’hui, Europe qui es au début du troisième millénaire : « Retrouve-toi toi-même. Sois toi-même. Découvre tes origines. Avive tes racines » (Ecclesia in Europa)

 

Ces racines, quelles sont-elles ? « C’est l’évangélisation, affirmait-il encore, qui a formé l’Europe, qui a donné naissance à la civilisation de ses peuples et à leurs cultures. La diffusion de la foi dans le continent a favorisé la formation des différents peuples européens, mettant en eux les germes de cultures aux caractéristiques diverses, mais reliées entre elles par un patrimoine de valeurs communes, celles qui étaient enracinées précisément dans l’Evangile » (Mémoire et Identité)

 

Et le pape Jean-Paul II de déplorer : « La culture européenne donne l’impression d’une « apostasie silencieuse » de la part de l’homme comblé qui vit comme si Dieu n’existait pas »

 

Dans ce même élan, notre pape François lançait aux membres du parlement européen le 25 novembre 2014 : « Europe, qu’as-tu fait des promesses de ta fondation ? ».

Revenir aux valeurs fondatrices de l’Europe, voilà donc une belle intention des hommes politiques et des gouvernants de notre continent. Pleinement d’accord. J’aimerais donc leur rappeler que Schuman, Adenauer et De Gasperi, considérés comme les pères fondateurs de la communauté européenne, ont pris l’initiative et le temps de se retirer dans un monastère bénédictin du Rhin pour méditer et prier avant d’entamer les délicates négociations qui aboutirent en 1951 à l’adoption du traité de Paris. J’aimerais aussi leur rappeler ces paroles de Robert Schuman, si pertinentes : « Tous les pays européens ont été pétris par la civilisation chrétienne : c’est cela l’âme de l’Europe qu’il faut faire revivre ».

 

Alors, messieurs les gouvernants, en retraite pour méditer et prier … et pourquoi pas dans un monastère bénédictin puisque, vous le savez sans doute, l’Europe s’est façonnée et développée à partir de telles abbayes.

 

Père Gilles Morin,

Curé