Le sang est la vie

« Voici, dit Etienne, que je contemple les cieux ouverts : le Fils de l’homme est debout à la droite de Dieu ». Cette affirmation déclenche l’ire des membres du sanhédrin. Ce Jésus de Nazareth, ils l’ont fait crucifier. Son sang a coulé, son cœur a été transpercé ; il a été mis au tombeau ; il est bel et bien mort ; n’en parlons plus. Comment ce juif helléniste de la Diaspora, ce diacre Etienne, peut-il blasphémer ainsi, au point de prétendre le contempler dans la gloire ?

 

Le sang va couler … celui du disciple après celui du Maître. Ce sang va irriguer le cœur de Saul, témoin passif de cette lapidation. Un jour viendra où, bientôt, ce pharisien verra le ressuscité sur le chemin de Damas. Il l’attestera, le martèlera, à temps et à contretemps, jusqu’à répandre lui aussi son sang par amour pour son Sauveur. Et le sang va continuer de couler, celui des martyrs, en tous lieux et en tous temps … ce sang qui, selon la belle expression de Tertullien, va être semence de chrétiens … Heureux sont-ils, ces myriades de témoins « qui ont lavé leur robe dans le sang de l’agneau et qui ont droit aux fruits de l’arbre de la vie ». Oui, bienheureux sont-ils, eux qui sont là où est Jésus, eux qui contemplent désormais sa gloire dans l’éternité. Grâce à eux et avec eux, nous pouvons proclamer aujourd’hui encore que « Jésus est l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin »

 

Ces derniers jours, deux millions de pèlerins sont allés vénérer le Saint-Suaire. Parmi eux, ceux de notre diocèse ; parmi eux notre Saint-Père. Ils se sont laissé toucher par « cette image intense et poignante d’un martyre indicible », « miroir de l’Evangile », « l’un des signes les plus bouleversants de l’amour souffrant du Rédempteur ». « Tel est le pouvoir du Saint-Suaire, nous dit Benoît XVI : du visage de cet « Homme des douleurs », qui porte sur lui la passion de l’homme de tout temps et de tout lieu, nos passions, nos souffrances, nos difficultés, nos péchés également –  » Passio Christi. Passio hominis  » – de ce visage émane une majesté solennelle, une grandeur paradoxale. Ce visage, ces mains et ces pieds, ce côté, tout ce corps parle, il est lui-même une parole que nous pouvons écouter dans le silence. Que nous dit le Saint-Suaire ? Il parle avec le sang, et le sang est la vie ! Le Saint-Suaire est une Icône écrite avec le sang ; le sang d’un homme flagellé, couronné d’épines, crucifié et transpercé au côté droit. L’image imprimée sur le Saint-Suaire est celle d’un mort, mais le sang parle de sa vie. Chaque trace de sang parle d’amour et de vie … C’est comme une source qui murmure dans le silence, et nous, nous pouvons l’entendre, nous pouvons l’écouter »

Plusieurs enfants en âge de scolarité sont baptisés ce dimanche. Ils vont être lavés par la source jaillie du cœur du Christ ; ils vont être purifiés par son sang. Ils vont renaître pour une vie nouvelle. Comment ne pas nous rappeler notre propre grâce baptismale ? Souvenons-nous de Celui qui a versé son sang pour que nous ayons la vie. Gardons mémoire des martyrs, nos aînés dans la foi, qui sont dans la béatitude éternelle et qui nous murmurent :  Viens vers le Père, contemple le Fils, laisse-toi conduire par l’Esprit … aime, donne, … aime et donne jusqu’à t’offrir, jusqu’à souffrir, jusqu’à mourir … Le sang, c’est la vie.

 

Père Gilles Morin

Curé