Il est bien rare que je m’absente de la paroisse durant plusieurs jours. Hormis les périodes de colonie, camps et retraites avec les jeunes du patronage, hormis les deux semaines de repos dans ma bonne Bretagne au mois d’août, je suis plutôt un curé « dans les murs ». Voilà pourtant que je vous « abandonne » jusqu’à la Toussaint. Il faut vraiment que le motif soit consistant pour qu’un curé s’éloigne ainsi de son troupeau. C’est une question de mémoire.
L’une de nos œuvres du Burkina Faso, à Bobo-Dioulasso, est en fête. Elle jubile pour ses 20 ans d’existence. En 1996 s’élevaient le patronage Jean-Léon Le Prevost, puis attenant, le sanctuaire Notre-Dame de la Salette. L’ensemble est vaste et magnifique. Voilà qui réveille en moi de nombreux souvenirs. 1996 : J’étais encore en ce pays ; j’étais à l’initiative de ce projet ; j’en ai vu la réalisation. Avec mes Frères Religieux de Saint Vincent-de-Paul en Afrique et avec toute la communauté chrétienne de ce lieu, je jubile. Ils se souviennent de moi ; ils m’ont invité ; comment refuser ? Merci à eux de ne pas m’avoir oublié.
C’était en janvier 2015, lors de notre pèlerinage paroissial à l’Île Bouchard. Au terme du repas partagé, j’eu la joie de me voir offrir quelques cadeaux à l’occasion de mes 30 ans d’ordination sacerdotale. Plus encore, de l’argent avait été récolté pour me permettre de faire un voyage. L’enveloppe était sagement gardée par une paroissienne pour que ce projet se réalise. Mais un religieux ne va pas faire du tourisme ni pérégriner par plaisir personnel. Je guettais donc une occasion qui soit une mission. Ce moment est arrivé ; l’enveloppe m’a bien été remise ; à nouveau je vous remercie. Vous le devinez, lors de mon séjour au Burkina Faso, je ne vous oublierai pas. Promis !
Il y a 20 ans, à Bobo-Dioulasso, lors de l’inauguration de cette nouvelle œuvre, un arbre fut planté. Depuis, cet arbre à grandi et offre à qui le veut son ombrage. Dans son épître aux Corinthiens, Saint Paul nous livre une leçon d’humilité : « Moi, écrit-il, j’ai planté, Apollos a arrosé ; mais c’est Dieu qui donnait la croissance. Ainsi donc, ni celui qui plante n’est quelque chose, ni celui qui arrose, mais celui qui donne la croissance : Dieu » (1Cor 3,6). Voilà ce que nous ne devons jamais oublié. C’est un devoir de mémoire. Nous n’avons aucunement à nous glorifier de manière autosuffisante comme le pharisien de la parabole. Comme Zachée, nous savons que le Christ a bouleversé notre vie en nous faisant miséricorde, en entrant dans la maison de notre cœur alors que nous étions de pauvres pécheurs. C’est une merveille de l’œuvre du Seigneur.
Il ne faut pas sombrer dans l’oubli. Dieu agit pour que nous soyons saints comme notre Père céleste est saint. C’est notre vocation à tous ; Jésus a donné sa vie pour cela et pas pour moins que cela. Que l’arbre de notre vie ne cesse de grandir en portant de beaux fruits !
Il ne faut pas sombrer dans l’oubli. Tant de nos devanciers ont marqué notre histoire. Le Seigneur nous les avait donnés ; il nous les a repris. Nous ne saurions les oublier ; ils comptent sur nos prières pour entrer dans la plénitude du face à face éternel avec Dieu. C’est un devoir de gratitude à leur égard et c’est un devoir de mémoire.
Père Gilles Morin, curé