Ce jeune homme réside sur notre paroisse et a été baptisé en notre église. Visiblement, il ne sait pas que le sacrement du baptême imprime en nous un caractère indélébile et définitif. Frappé depuis de longues années par la souffrance, rudement éprouvé en son corps, terriblement crucifié en son âme, il sombre dans la désespérance. Il vient d’écrire à la chancellerie de notre diocèse pour demander l’impossible, à savoir être rayé des registres du baptême qui atteste sa dignité de fils de Dieu. C’est véritablement un cri de tout son être exprimant sa détresse, un cri poussé dans un moment de découragement particulièrement intense, un cri fort heureusement repris quelques heures plus tard par l’appel téléphonique qu’il eut avec le Chancelier et par lequel il lui signifiait de ne tenir aucun compte de sa demande.
Toi qui es éprouvé au point de crier, ne sombre pas dans la désespérance. Nous allons venir à toi, nous ferons tout pour te redonner confiance. Par nous, le Seigneur va venir à ton aide, lui qui a pitié de toi et qui t’aime à l’infini.
Il y a bien longtemps, à Jéricho, un mendiant aveugle était lui aussi dans la détresse. Il s’appelait Bartimée. Il était figé, il était marginalisé. Sachant que Jésus passait, il osa crier, une fois, … deux fois, … à pleins poumons, à pleine gorge. Pas question de le faire taire. Il reprenait cet appel qui traverse toute l’histoire du peuple de Dieu, ce cri des prophètes et des anawims (les pauvres de Yahvé), ce S.O.S salutaire : « Dieu, viens à mon aide ». Un tel appel n’est jamais lancé en vain. « Quand un pauvre crie, le Seigneur entend. Il le sauve de toutes ses angoisses » (Ps 34, 7). Bartimée a crié ; il a été sauvé.
Que de fois nous élevons la voix et nous nous emportons, trop souvent pour des riens ! Que de fois nous nous énervons au point de vociférer et donc de blesser ! Ces hurlements, loin de nous libérer, nous cabrent, nous figent et nous enlisent.
A l’inverse, que de fois nous ne crions pas, nous ne supplions pas, par orgueil et manque de simplicité, nous enfermant dans un mutisme usant et stérilisant, cherchant à tout assumer et tout supporter par nous-mêmes. Notre orgueil torpille nos S.O.S qui seraient pourtant salutaires. Est-ce donc si difficile, dans une vie de famille ou dans des relations amicales, d’avouer bien simplement : « Viens à mon aide, j’ai besoin de toi, je n’y arriverai pas sans toi » ? Faut-il que nous soyons terriblement orgueilleux pour ne pas assaillir le ciel lorsque nous sommes dans l’épreuve et la détresse ?
Que j’aime, en chaque célébration de la liturgie des Heures, – entre autres aux laudes et aux vêpres –, entonner l’office par ce cri biblique : « Dieu, viens à mon aide », et entendre les participants répondre : « Seigneur à notre secours ». Cet appel ne saurait être vain. Il ne peut y avoir de salut sans S.O.S.
Seigneur, montre-nous notre détresse ; que nous ayons l’humilité de Bartimée ; que nous ayons sa ténacité et sa simplicité pour te crier : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi … Dieu viens à mon aide ».
Père Gilles Morin
Curé