Quelle merveilleuse parabole que celle de ce dimanche ! nous avons l’habitude de l’appeler « parabole de l’enfant prodigue ». Ne serait-il pas plus juste de lui attribuer le nom de « parabole du père miséricordieux ».
Le père est en effet admirable ; il n’en va pas de même en ce qui concerne ses fils Le plus jeune n’a rien d’édifiant, ni dans son éloignement de la maison paternelle qui le mène à une vie de débauche, ni même dans son retour à la maison qui s’enracine dans son instinct de survie.
Le fils aîné ne vaut guère mieux. Il reste, certes, à la maison paternelle, mais à quoi pense-t-il ? À festoyer non point avec son père ou son frère mais avec ses amis. Son corps est à l’intérieur du domaine familial ; son cœur est au dehors.
Mais le père, oui le père … quel papa vibrant pour chacun de ses enfants ! Longtemps, longtemps, il guette le retour du fils perdu. Son cœur est broyé, ses yeux n’en peuvent plus de pleurer et son fils aîné ne le remarque même pas … ou pire encore, y reste insensible.
Ah ! si le prodigue n’était revenu à la maison, le père aurait été brisé ; jamais il ne s’en serait remis. Le fils aîné, au contraire, n’y aurait vu que justice et s’en serait grandement satisfait. Heureusement, le fils perdu est rentré au bercail ; « il était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé ».
Nous avons en cette parabole le drame de « l’amour qui n’est pas aimé« , – selon l’expression bien connue de Saint François d’Assise. Oui, Dieu est Amour et il n’est pas aimé… du moins pas suffisamment, ni par les autres ni par nous-mêmes. Imaginons ce qui peut résonner dans le cœur de notre Père des cieux. Ce drame frappe tant de nos proches et nous atteint parfois nous-mêmes : L’époux qui n’est pas aimé par son épouse ou inversement ; les parents qui aiment leurs enfants et qui ne rencontre qu’ingratitude ; les situations de durcissement du cœur qui ferment au pardon etc …
À y regarder de près, la seconde lecture de ce 4ème dimanche de carême est comme un cri de supplication qui fait écho à cette parabole. L’apôtre Paul s’adresse non seulement aux Corinthiens mais aussi à chacun d’entre nous : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu ». Le mot de réconciliation est cité, sous une forme ou sous une autre, cinq fois en trois versets. Cinq : c’est aussi le nombre des vénérables plaies du Christ en Croix. C’est comme si Jésus nous implorait : « Reviens ; laisse-moi te réconcilier avec moi ; je veux te sauver et te ressusciter. Si tu ne le fais pas, chacun de tes refus me crucifiera bien davantage que chacun de tes péchés. Je t’attends pour te combler de ma tendresse et de mon infinie miséricorde ; je t’en supplie : viens ! »
Laissons résonner en nous cette merveilleuse parabole. Ouvrons les portes de notre cœur à cette exhortation à la réconciliation. Notre drame serait, en cette année de la Miséricorde, de parvenir à Pâques sans nous être laissé réconcilier … ou, comme on dit plus couramment, sans avoir fait une bonne confession. Notons donc bien, dès à présent, la date du lundi 21 mars qui sera ici, en notre paroisse Notre-Dame de Nazareth, la journée du pardon.
Père Gilles Morin, curé