Ils ne sont pas prêtres, mais ils se livrent à une véritable liturgie : celle du spectacle. Ils ne sont pas davantage scribes, mais ils écrivent et composent. Ce ne sont pas non plus des pharisiens mais par leur chanson, ils prodiguent un véritable enseignement. Ils jouent non point l’hymne du bonheur au son des harpes et des cithares mais font l’éloge du désespoir au rythme de leurs guitares. Surtout, ne pratiquez pas et n’observez pas ce qu’ils peuvent vous dire.
J’ai fait leur connaissance cet été par le biais de la radio. J’étais au volant de la voiture ; je venais d’écouter les informations. Puis il y eut quelques chansons. L’une d’entre elles me séduisit instantanément. J’aimais son rythme entraînant et ses consonances musicales. Tout en conduisant, je me mis à tapoter des deux mains sur le volant : pas très prudent. La mélodie était simple, je la fredonnais ; le refrain (et lui seul) était en espagnol : il y était visiblement question du ciel : « El cielo, el cielo », répétaient les chanteurs : thème plutôt séduisant.
Deux ou trois jours plus tard : même situation. Mais voilà que par-delà le rythme toujours entraînant, mon attention se porte sur les paroles. Je suis consterné. Oui, on chante le ciel mais pour dire que ce n’est qu’un rêve ; Oui, on chante le ciel mais pour ne livrer que la vision dramatiquement désespérante d’une vie sans verticalité ni spiritualité. Jugez-en vous-mêmes :
« Le jour de ma mise en bière, ne touchez pas à mon âme
Elle trinquera encore sur terre, à la vie, à la mort, au vin, aux femmes
Ne lui parlez pas de vos cieux ni de la paix de vos églises
Les péchés qui vous scandalisent auront été ce qu’il y a de mieux…/…
Le ciel n’a jamais pu grand-chose, il ne m’envoie pas sur les roses
Il ne m’en voudra pas si ce soir je le détache de l’espoir ».
« Cielo ciego » : « Le Ciel aveugle » : Telle est le titre de cette chanson. Surtout, ne chantez pas cette hymne à la désespérance ; ne l’observez pas, ne la pratiquez pas. Attention aussi à vous qui vous imaginez que le Ciel ne voit pas : Au Ciel, il y a Dieu ; au Ciel, il y a Jésus et Marie ; au Ciel, il y a une multitude de saints qui débordent de bonheur. Ils voient lorsque vous vous en prenez à notre religion ; ils voient quand vous souillez le visage du Christ, lorsque vous blasphémez son saint nom. Ils voient lorsque vous tournez en dérision ce qu’il y a de plus sacré. Ils voient aussi que vous n’êtes pas heureux ; et ils ne s’en réjouissent pas.
« El Cielo ve » : Le Ciel voit. C’est notre chant ; c’est notre foi. Et ce chant est plein d’espérance et message de bonheur. N’agissez pas toujours d’après nos actes, car nous sommes de pauvres pécheurs aux voix parfois éraillées et discordantes. Mais ce chant : chantez-le par toute votre vie, pratiquez-le, observez-le. Il y va de votre bonheur, de votre éternité.
Père Gilles Morin
Curé