Il est nouveau au patronage. Il n’a que 9 ans et a tout à découvrir sur le plan de la foi. Il était à côté d’un camarade lorsque, sur la cour, il m’a salué pour la première fois.
- Bonjour Monsieur, m’a-t-il dit avec un large sourire
Et son camarade de le reprendre aussitôt
- On ne dit pas Monsieur, on dit « Père«
Peu après, entrant dans le bureau du Frère Damien, il lui lance
- Bonjour Fils Damien
Et celui-ci, retenant un fou-rire, de le reprendre gentiment en lui précisant
- On ne dit pas « Fils Damien » mais « Frère Damien«
Bien sûr, Damien de Parscau est fils, fils de ses parents, certes, mais plus encore « fils de Dieu ». C’est là son plus beau titre de noblesse. Sa consécration totale au Seigneur s’inscrit dans la radicalité de la grâce de son baptême. Elle n’est pas un sacrement ; Damien ne devient pas prêtre. Il est Religieux … Religieux Frère.
« Selon la doctrine traditionnelle de l’Eglise, écrivait le pape Jean-Paul II, de par sa nature, la vie consacrée n’est ni laïque ni cléricale et, de ce fait, la « consécration laïque » constitue en soi un état complet de profession de conseils évangéliques. Elle a donc pour la personne comme pour l’Eglise, une valeur spécifique, indépendante du ministère sacré ». Et parlant des religieux frères, le pape affirmait : « Ils proclament à tous la parole du Seigneur : « Tous, vous êtes des frères » »
À l’occasion de l’événement des vœux perpétuels de notre Frère Damien, laissons résonner l’enseignement de ce saint pape contenu dans l’exhortation apostolique « Vita consecrata » : « Pour qui reçoit le don inestimable de suivre de plus près le Seigneur Jésus, il paraît évident qu’Il peut et doit être aimé d’un cœur sans partage, que l’on peut Lui consacrer toute sa vie et pas seulement certains gestes, certains moments ou certaines activités… Pour la personne captivée dans le secret de son cœur par la beauté et la bonté du Seigneur, ce qui peut paraître un gaspillage aux yeux des hommes est une réponse d’amour évidente, c’est une gratitude enthousiaste pour avoir été admise de manière toute spéciale à la connaissance du Fils et au partage de sa divine mission dans le monde. » Et le saint pape de faire remarquer : « Notre monde, dans lequel les traces de Dieu semblent souvent perdues de vue, éprouve l’urgent besoin d’un témoignage prophétique fort de la part des personnes consacrées ». Jean-Paul II n’hésite pas alors à lancer : « « Qu’en serait-il du monde, s’il n’y avait les religieux ? » Au-delà des estimations superficielles en fonction de l’utilité, la vie consacrée est importante précisément parce qu’elle est surabondance de gratuité et d’amour, et elle l’est d’autant plus que ce monde risque d’être étouffé par le tourbillon de l’éphémère. Sans ce signe concret, la charité de l’ensemble de l’Eglise risquerait de se refroidir, le paradoxe salvifique de l’Evangile de s’émousser, le « sel » de la foi de se diluer dans un monde en voie de sécularisation. La vie de l’Eglise et la société elle-même ont besoin de personnes capables de se consacrer totalement à Dieu et aux autres pour l’amour de Dieu… En effet, on a besoin de personnes … qui mettent en jeu leur propre vie pour que d’autres aient la vie et l’espérance ».
Posons-nous la question : Qu’en serait-il de notre paroisse, de cette grande œuvre de Nazareth, s’il n’y avait un Frère, – un Frère qui est fils de Dieu, comme nous -, un Frère qui nous rappelle l’absolu et la primauté de Dieu, un Frère qui nous proclame : « Tous, vous êtes des frères » ?
Père Gilles Morin, curé