« Le pain que je donnerai, affirme clairement Jésus, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde ». Et l’Evangile de nous dire : « Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ?« ». On comprend leur étonnement et leur questionnement face à des paroles aussi mystérieuses qui, de prime abord, peuvent même choquer.
En 1263, un prêtre se rendant en pèlerinage à Rome, faisait une halte à Bolséna, près d’Orvieto en Italie. Il venait de Bohême et était agressé en son esprit par des doutes terribles sur la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. « Comment ? » se répétait-il. Comment les paroles qu’il prononçait lors de chaque consécration : « Ceci est mon Corps… Ceci est mon Sang… » pouvaient-elles transformer le pain qu’il touchait, et le vin qu’il allait boire en vraie Chair et en vrai Sang de Jésus-Christ ? Alors qu’il célébrait la messe en l’église sainte Christine et qu’il tenait au-dessus du calice l’Hostie qu’il venait de consacrer, il vit l’Hostie devenir une Chair vivante d’où s’écoulait, goutte à goutte, du Sang. Curieusement, la partie de l’Hostie qu’il tenait toujours entre ses doigts conservait l’apparence du pain. Ainsi il ne pouvait se tromper : ce qu’il tenait entre ses doigts était bien le pain qu’il venait de consacrer et qui était devenu de la chair sanglante. Incontestablement, le pain et le vin étaient bien devenus le Corps et le Sang de Jésus-Christ. Et le Sang continuait à couler, à tel point que le purificatoire fut totalement trempé. Comme le pape Urbain IV résidait alors à Orvieto, ce prêtre alla se jeter à ses pieds pour tout lui raconter. Le Saint Père constata lui-même ce miracle et institua, dès 1264, la fête du Corpus Christi que nous aimons appeler « Fête-Dieu ».
Mercredi dernier, au cours de la prière avec les enfants du patronage, je leur ai livré un petit enseignement sur l’Eucharistie pour les préparer à la solennité de ce dimanche. Avec des mots simples, je me suis efforcé de mettre à leur portée les trésors de notre foi que nous pouvons puiser dans le Catéchisme de l’Eglise Catholique, par exemple au numéro 1374. « Le mode de présence du Christ sous les espèces eucharistiques est unique, nous dit-on…/…Dans le très saint sacrement de l’Eucharistie sont contenus vraiment, réellement et substantiellement le Corps et le Sang conjointement avec l’âme et la divinité de notre Seigneur Jésus-Christ, et, par conséquent, le Christ tout entier ». J’ai donc insisté auprès de ces enfants sur le fait que Jésus est présent réellement et tout entier dans l’hostie. Et voilà qu’au terme de la prière, un petit de 9 ans s’approche de moi et m’interroge. « Mais Père, Jésus ne peut pas être tout entier dans une hostie, puis dans une autre et encore une autre », comme s’il me disait que Jésus se trouvait alors forcément divisé et ne pouvait que livrer une partie de lui-même. Spontanément j’ai pensé à la magnifique séquence liturgique de la solennité de la Fête-Dieu dans laquelle saint Thomas d’Aquin, sur demande du pape Urbain IV, nous laisse un véritable Credo du Saint Sacrement : « C’est un dogme pour les chrétiens, affirme-t-il, que le pain se change en son corps, que le vin devient son sang. Ce qu’on ne peut comprendre et voir, notre foi ose l’affirmer hors des lois de la nature. L’une et l’autre de ces espèces (le pain et le vin), qui ne sont que de purs signes, voilent un réel divin. Sa chair nourrit, son sang abreuve, mais le Christ tout entier demeure sous chacune des espèces… Si l’on divise les espèces, n’hésite pas mais souviens-toi qu’il est présent dans un fragment aussi bien que dans le tout. Le signe seul est partagé, le Christ n’est en rien divisé …». Que répondre à cet enfant ? Je lui ai fait remarquer que quand on aime, on donne tout, et qu’une maman qui a plusieurs enfants ne divise pas son cœur mais le donne tout entier à chacun. En fait, la seule véritable réponse nous est encore donnée par Saint Thomas d’Aquin : L’Eucharistie, c’est « le sacrement où tout est miracle ».
En cette solennité de la Fête-Dieu, des enfants de notre paroisse vont faire leur première communion. N’en doutons-pas, chacun d’entre eux sait, au plus profond de son cœur, que c’est Jésus tout entier qu’il va recevoir. Quelle grâce ! Quelle fête pour Dieu ! Quelle fête pour eux !
Père Gilles Morin, curé