« Babel » : ce mot évoque spontanément pour nous la division et la multiplicité des langues qui conduisent à l’incompréhension et à la dispersion des peuples sur la terre. « Allons ! se disent les hommes, bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! (Gn 11,4) » Leur projet est bien de bâtir orgueilleusement une tour pour s’élever vers le ciel, s’en emparer et se l’approprier. La conséquence en est l’intervention de Dieu qui aboutit à la confusion des langues. D’où le nom de Babel qui, justement, signifie « confondre ».
Si je vous dis maintenant « Lebab », vous pourriez penser que je me suis trompé. Non, je n’ai pas fait d’erreur de frappe sur mon clavier d’ordinateur ou le « L » jouxte le « K ». Je n’ai aucunement l’intention de vous parler du kebab, ce sandwich fourré de viande grillée à la broche que les jeunes aiment tant. Je maintiens bien la lettre « L » en première place. Donc, il vous faut regarder attentivement et faire preuve d’un peu d’imagination. Vous constaterez alors que le mot « Lebab » est, en fait, une anagramme, c’est-à-dire un renversement des lettres du mot « Babel ». Existe-il vraiment ? Il s’agit d’un terme hébreu qui signifie « Homme intérieur ; cœur ; âme ». C’est ce mot qui est employé dans ces passages bibliques que nous connaissons bien :
« Sache donc en ce jour, et retiens dans ton cœur (Lebab) que l’Eternel est Dieu, en haut dans le ciel et en bas sur la terre, et qu’il n’y en a point d’autre. » (Dt 4,39)
Et encore :
« Tu aimeras Yahvé ton Dieu de tout ton cœur (Lebab), de toute ton âme et de toute ta force. » (Dt 6,5)
L’événement de la Pentecôte est vraiment l’anti-Babel. C’est l’effusion de l’Esprit-Saint dans le cœur des apôtres, dans leur être le plus intérieur. C’est un embrasement d’amour qui unit ces hommes si différents dans une communion avec le Père et le Fils, dans un unique Esprit. Ce mystère les rend capable de parler le langage de l’Amour … et ce langage, quels que soient les mots usités, est audible à tous et compréhensible pour tous. Une belle homélie africaine du VIème siècle apporte une réponse à une question qui pourrait légitimement nous être posée. « Si quelqu’un dit à l’un de vous : » Est-ce que tu as reçu le Saint-Esprit, car tu ne parles pas toutes les langues ? » voici ce qu’il faut répondre : » Parfaitement, je parle toutes les langues. Car je suis dans ce corps du Christ, qui est l’Eglise, laquelle parle toutes les langues. En effet, par la présence du Saint-Esprit qu’est-ce que Dieu a voulu manifester, sinon que l’Eglise parlerait toutes les langues ».
Dans la cacophonie de notre monde où les voix s’élèvent, retentissantes jusqu’à être abrutissantes et oppressantes, les chrétiens confirmés que nous sommes ne sauraient rester muet ni négliger le don de l’Esprit-Saint. « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint » (Rm 5,5) affirme l’apôtre Paul. Ce monde écartelé dans lequel nous sommes immergés a grand besoin d’être réunifié, les hommes sont appelés à se réconcilier dans une communion d’amour qui vient de l’Esprit. L’Eglise a mission de porter cette nouvelle à tous les peuples de toutes langues et nations.
A l’occasion de cette solennité de la Pentecôte, partout dans le monde, des enfants, des jeunes et des adultes reçoivent le sacrement de Confirmation. Que l’Esprit-Saint leur rappelle sans cesse qu’ils doivent aimer Dieu de tout leur cœur (Lebab). Qu’ils soient des témoins ardents et rayonnants de la Bonne Nouvelle ! Là est l’antidote de la confusion de Babel.
Père Gilles Morin, curé