Qui ne souhaite ardemment porter du fruit ? Qui encore ne désire sincèrement avoir une vie débordante de fécondité ? La Parole de Dieu attise aujourd’hui en nos cœurs ces aspirations les plus profondes et nous renvoie à une exigence fondamentale : celle de rester greffés au cep. « Moi, nous dit Jésus, je suis la vigne, et vous, les sarments ».
Commentant ce passage de l’Evangile, saint Augustin souligne : « Il n’y a que deux choses qui conviennent aux sarments : ou la vigne ou le feu ; si les branches sont unies à la vigne, elles ne seront pas jetées au feu ; afin de n’être pas jetées au feu, qu’elles restent donc unies à la vigne ». Nous voulons vivre du Christ ; il nous faut donc demeurer greffés au bois de la croix. Là est le signe de la plus haute fécondité qui sauve l’humanité. Ne rêvons pas d’une vie sans bois, ne courons pas après une vie sans croix. Ce serait nous épuiser et nous stériliser.
Nous le savons par expérience : Dieu intervient dans notre vie avec la croix. Est-ce un acte d’hostilité envers nous ? Est-ce l’expression d’une colère contre nous ? Nullement. « Si le vigneron élague le sarment et fait « pleurer » la vigne comme on dit, c’est pour une raison très simple : si la vigne, en effet, reste longtemps sans être élaguée, elle devient sauvage et ne produit que du pampre et du raisin sauvage ».
Oui l’élagage fait mal et entraîne bien des larmes. La tentation peut être grande alors de fuir la cisaille, de s’écarter du bois, de se couper de la croix.
Rester greffés au Christ, ce n’est pas une option indolore mais un choix amoureux qui nous conduit avec lui à la fécondité de l’oblation et du sacrifice. Le vigneron n’ôte et n’élague que pour permettre surabondance de vie. Ainsi en est-il du Seigneur. Il y a tant à couper, à tailler, à retirer et à purifier dans notre quotidien si surchargé et si encombré. Le choix peut donc se formuler ainsi :
- Unifier nos vies autour du cep qu’est le Christ afin de laisser circuler en nous sa sève vivifiante
- Ou nous disperser en tous sens au gré des vents pour nous dessécher ainsi au fil du temps.
Nos servants de messe sont actuellement en pèlerinage au Mont Saint-Michel. Quelle grâce pour eux ! Cette merveille, véritable trésor architectural, est un lieu de foi … et de la foi, et de la peine, il en fallait pour bâtir cet édifice qui a défié les flots et les temps. Le Mont est bien enraciné dans la baie. Il est fondé sur le roc ; il demeure, et c’est pourquoi aujourd’hui encore nous pouvons contempler ce chef-d’œuvre.
C’est une belle leçon pour nos servants de messe. Ils sont de notre époque, immergés dans notre société frappée d’instabilité qui fait l’éloge du zapping. Le Mont, en quelque sorte, fait corps avec le message de la foi. Le Christ ne nous dit pas : « Venez de temps en temps jusqu’à moi, quand vous en avez envie, pour me saluer et me prier … puis passez à autre chose ». Les paroles de Notre Sauveur sont claires et résonnent avec une force particulière en ce dimanche : « Demeurez en moi, comme moi en vous » … et Jésus est toujours en nous. « Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là porte beaucoup de fruit, car en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire ». Le Mont Saint-Michel, aujourd’hui encore, porte beaucoup de fruits. Plus d’un million de visiteurs viennent jusqu’à lui chaque année. Que nos jeunes servants soient eux-aussi enracinés dans la foi, débordants d’espérance et brûlants d’amour afin de porter beaucoup de fruits. Surtout, qu’ils demeurent toute leur vie dans le Christ !
Père Gilles Morin, curé