Peut-être vous est-il arrivé de chuter violemment. Genoux et coudes sont alors blessés et ensanglantés. Il faut soigner. Les plaies ainsi à vif doivent être désinfectées et cicatrisées. Bien des fois, étant enfant, je me retrouvais en de telles situations. Une main délicate s’approchait alors pour apposer de l’alcool à 90° puis du mercurochrome. Je n’étais guère douillet mais la réaction était immédiate : « Non, ne me touche pas ». Il me fallait pourtant me soumettre, passer par cette étape douloureuse pour pouvoir être guéri. Mes plaies, rougies par le mercurochrome, attestaient visiblement mes blessures.
Tout comme moi, il vous est arrivé également de croiser et même côtoyer un ancien combattant mutilé. Son corps portant les traces de la guerre prouvait sa bravoure et réveillait notre mémoire. Cet homme s’était battu pour sa patrie. Nous ne pouvions en douter ; nous avions le devoir de ne pas l’oublier.
C’était il y a un peu plus de deux mille ans. Le drame de la Passion venait d’avoir lieu. Les plaies du galiléen crucifié étaient à vif, le sang coulait, le prince de la vie rendait son dernier soupir. Jésus ne hurlait pas son intense souffrance mais se faisait suppliant : « J’ai soif » disait-il. Quelle était donc sa soif ? Celle de notre amour. Il était là, exposé sur le bois de la Croix, défiguré, ensanglanté. Son cœur appelait notre cœur. De l’eau et du sang coulèrent alors de son côté transpercé. Par-delà sa mort, il nous invitait à venir nous abreuver aux fleuves d’eau vive. C’est comme s’il nous disait : « Approche-toi, touche-moi ».
Nous le savons : Thomas, encore dans la désespérance du choc de la Passion de son maître bien-aimé, a résisté à la bonne nouvelle de la résurrection. Le témoignage de ses dix compagnons n’a pas suffi à le faire accueillir cette nouvelle inouïe qui a marqué le cours de l’histoire. « Nous avons vu le Seigneur ! » Leurs affirmations véhémentes ne sont pas parvenues à ébranler son incrédulité. « Si je ne vois pas, insiste Thomas … si je ne mets pas mon doigt … si je ne mets la main … non, je ne croirais pas ». Mais le voilà aujourd’hui face à son maître. Que s’entend-t-il dire ? « Avance ton doigt ici et vois mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant ». Thomas a-t-il répondu activement à cette invitation ? L’Evangile ne nous le dit pas. Mettre son doigt dans les mains de Jésus ressuscité qui portent les traces de la Passion, ne serait-ce pas comme enfoncer à nouveau les clous ? Poser sa main sur le cœur du Christ, ne serait-ce pas comme appuyer un peu plus sur la lance qui l’a transpercé ? Saint Jean se contente de nous rapporter l’extraordinaire profession de foi de l’incrédule : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».
En ce 2ème dimanche de Pâques, l’image de la Divine Miséricorde est exposée dans le chœur de notre église. Jésus nous y présente ses plaies lumineuses attestant l’infini de son amour pour nous. En la contemplant, chacun peut s’exclamer : « Mon Seigneur et mon Dieu ». En l’admirant, chacun peut y lire ces mots si simples : « Jésus, j’ai confiance en Toi ». J’ai confiance, parce que je sais que tu m’as aimé et que tu t’es livré pour moi. J’ai confiance, parce que je sais que tu es le Ressuscité, le Vivant pour les siècles des siècles. Amen ! Je m’approche, je touche, je crois.
Père Gilles Morin, curé