Jamais je n’avais assisté à une exhumation. En l’espace de deux jours, ce sont deux corps que j’ai vu sortis de leur tombeau et que j’ai pu regarder. C’était impressionnant. Ces défunts n’étaient pas des moindres. Pour moi, ils n’étaient nullement des inconnus.
Le premier était le corps du vénérable Père Jean-Léon Le Prevost, fondateur de notre Congrégation des Religieux de saint Vincent-de-Paul, décédé le 30 octobre 1874.
Le second était celui du Père Henri Planchat, premier prêtre de notre Congrégation, fusillé en haine de la foi le 26 mai 1871, en cette période violente et douloureuse que l’on a appelé « la commune ».
- De Jean-Léon Le Prevost, il ne restait qu’un squelette partiellement recouvert de morceaux de soutane. Le choc visuel renvoyait spontanément à ces morts-vivants de certains films, tel que « Pirates des caraïbes ».
- Du Père Henri Planchat, il en était tout autrement. Son corps était étonnamment bien conservé, comme parcheminé, certes noirci par le temps mais gardant une certaine souplesse. On y voyait encore plusieurs impacts de balles. Sans nul doute, c’était lui.
Nous venons de solenniser l’Ascension du Seigneur. Nous sommes faits pour la gloire. Le bienheureux Frédéric Ozanam écrivait en son temps ces lignes rudes mais ô combien réalistes qui nous rappellent tout à la fois notre condition mortelle et notre dimension d’éternité : « Chaque fois que pour me recueillir, je pose mon front dans mes mains, je ne puis m’empêcher de sentir sous la peau de mon visage les contours osseux de la tête de mort. Mais je sais que sous ce portique destructible loge un hôte qui ne meurt pas ».
Aujourd’hui, Jésus nous l’affirme. Il donne la vie éternelle à tous ceux que son Père lui a donnés. Or, précise-t-il, « la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ« (Jn 17, 2-3). Et, parlant de ses apôtres, il ajoute : « Tu me les as donnés… Ils sont à toi. Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ». Alors que nous sommes entrés dans la neuvaine préparatoire à la Pentecôte, il convient de nous rappeler que nous sommes baptisés et confirmés, et donc que nous sommes non seulement enfants de Dieu mais aussi apôtres. Nous cheminons dans la foi, nous sommes « dans le monde » sans pour autant être « du monde ». Nous marchons vers la Gloire. Comme l’enseigne magnifiquement l’apôtre Paul aux Corinthiens : « Le Dieu qui a dit : « Que des ténèbres resplendisse la lumière« , est Celui qui a resplendi dans nos cœurs, pour faire briller la connaissance de la gloire de Dieu, qui est sur la face du Christ …. Nous croyons, et c’est pourquoi nous parlons, sachant que Celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera nous aussi avec Jésus, et nous placera près de lui avec vous… Même si notre homme extérieur s’en va en ruine, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car la légère tribulation d’un instant nous prépare, jusqu’à l’excès, une masse éternelle de gloire, à nous qui ne regardons pas aux choses visibles, mais aux invisibles ; les choses visibles en effet n’ont qu’un temps, les invisibles sont éternelles » (2 Cor 4, 6-18)
Il nous arrive sans doute de nous recueillir et de poser notre front dans nos mains. Que sentons-nous ? de simples contours osseux ? … Mais plus profondément, que savons-nous ? Que Dieu habite en nous et qu’il nous destine à la gloire.
Père Gilles Morin, Curé