« Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient », nous dit Jésus. Monique Dazin veillait ; elle ignorait, certes, le jour précis de sa Pâque, mais elle savait très bien qu’elle était au terme de sa route humaine, vaincue par un cancer qui la rongeait depuis quatre ans déjà.
« Tenez-vous prêts » dit encore Jésus ; elle était prête, forte de la grâce du sacrement des malades et de l’eucharistie quotidienne. Dans la nuit du 17 au 18, paisiblement, elle a effectué le grand passage de ce monde à l’autre.
Elle veillait aussi, Colette, consciente d’être terrassée par la maladie. Je l’ai vue dimanche dernier à l’hôpital Saint Joseph, souriante, confiante, toute abandonnée entre les mains du Seigneur. Elle avait déjà reçu le sacrement des malades des mains du Père Gallet ; elle aussi se nourrissait abondamment de Jésus-Eucharistie. Elle était prête pour se laisser prendre par son Sauveur. Elle attendait sa venue. Deux jours plus tard, le mardi 22, elle s’est endormie dans la paix de son Maître et Seigneur.
Dimanche dernier, donc, je suis allé porter la communion à Colette. Elle était trop faible pour recevoir toute une hostie. Elle m’a demandé de ne lui en donner qu’une moitié. Il me restait donc l’autre. Lors de ma visite, deux infirmières sont entrées pour prodiguer des soins. Avec l’une d’entre elle, je suis donc sorti de la chambre durant quelques instants. C’est alors que la jeune infirmière qui était resté avec moi entama le dialogue :
- Vous êtes l’aumônier de l’hôpital ?
- Non, je suis le curé de Colette Pérou.
- Vous êtes à quelle paroisse ?
- À Notre-Dame de Nazareth.
Et après quelques mots, l’infirmière ajouta :
- Il y a une dame dans la chambre d’à côté. Je crois qu’elle serait contente de voir un prêtre.
- Bien volontiers, lui répondis-je. J’irai la saluer juste après.
Après avoir quitté Colette, je me mis à frapper à la porte de la chambre voisine et me permit d’entrer. Une femme d’une soixantaine d’année était là, couchée. Elle m’accueillit avec un large sourire. Un seul regard me suffit pour réaliser qu’elle aussi avait un cancer bien avancé. Elle me confia qu’elle avait perdu son mari quelques mois plus tôt. Elle était chrétienne, bien chrétienne. La rencontre fut magnifique. Providentiellement, je pus lui donner la moitié d’hostie qui me restait. Elle aussi, visiblement veillait ; elle se tenait prête. Son prénom ? Maria Josefa. Priez pour elle.
Par-delà ces drames à vues humaines, que de leçons et que de grâces ! Ces femmes, toutes, ont pu être visitées par un prêtre, reflet de la venue de Dieu. Toutes étaient profondément unies au Christ par l’eucharistie. Toutes avaient pu recevoir le sacrement des malades. Toutes, donc, veillaient et se tenaient prêtes.
Et nous, veillons-nous ? Sommes-nous prêts ? Pensons-nous à demander au Christ Sauveur qu’au moment où viendra notre Pâque, il y ait près de nous un prêtre pour nous donner le pain de vie, le pain de la Pâque, et qui nous donne de surcroît le beau sacrement des malades. Prions-nous pour qu’il y ait pas loin de nous une infirmière qui ose ce qu’a osé celle que j’ai rencontrée à l’hôpital Saint Joseph ? Avons-nous conscience que, comme elle et dès maintenant, il nous faut l’imiter à l’égard de nos frères et sœurs malades qui, par-delà les soins du corps, ont un immense besoin des soins de l’âme … tout simplement parce qu’ils veillent et veulent se tenir prêts.
Père Gilles Morin, curé