« Laisse-moi d’abord … »

 

Comme chaque année à pareille époque, notre communauté paroissiale s’apprête à connaître la grande dispersion. Nombreux sont ceux qui vont quitter Paris pour reprendre contact avec la nature et les grands horizons de nos régions de France, voire d’autres pays. Là où nous serons, la priorité des priorités devra cependant demeurer au cœur de notre période estivale. Et la priorité des priorités, c’est Dieu. Il ne saurait être relégué à la périphérie de nos vies, surtout si nous voulons le porter aux périphéries existentielles dont ne cesse de nous parler notre Saint Père, le pape François.

 

N’imaginons pas un seul instant que Dieu puisse se mettre en vacances à notre égard et, par là-même, cesser de nous appeler. Saurons-nous lui répondre à tout instant, sans condition ni restriction, sans tergiverser ni différer. Les lectures de ce dimanche révèlent sur ce point nos propres fragilités :

Le prophète Elie, nous dit-on, appelle Elisée qui ne répond aucunement par la négative mais réclame un délai : « Laisse-moi embrasser mon père et ma mère, puis je te suivrai »

Quant à Jésus, il dit à un homme : « Suis-moi » ; celui-ci répond : « Seigneur, permets-moi d’aller d’abord enterrer mon père ». Un autre va jusqu’à affirmer nettement : « Je te suivrai, Seigneur ; mais laisse-moi d’abord faire mes adieux aux gens de ma maison. »

Suivre Jésus, d’accord ; répondre à son appel, évidemment. Mais le faire tout de suite, le faire d’abord, voilà une autre affaire.

 

Récemment, il m’a été rapporté ce beau témoignage : C’était il y a de nombreuses années. Un jeune homme, profondément chrétien, visitait régulièrement une dame âgée qui était bien seule. Des liens d’affection s’étaient tissés entre eux. Arriva le moment où il lui fit l’annonce de son prochain mariage. Cette vieille dame vibra à la joie de son visiteur et ami, tout en lui demandant de ne pas l’oublier après les festivités. Il lui en fit solennellement la promesse. Vint le grand jour. Au terme de la messe de mariage, les nouveaux époux montèrent dans leur voiture. Destination : non point le lieu de réception mais celui de la visitation ; non point le manoir apprêté mais la petite maison à ne pas oublier. Là était leur priorité. Oui, cette vieille dame d’abord … La réponse à l’appel de Dieu tout de suite ; leurs invités ensuite. On imagine aisément l’honneur ressenti ce jour-là par cette personne âgée et le flot de bonheur débordant de son cœur. C’est beau ! mais Dieu est plein de surprises et l’histoire ne s’arrête pas là. Vint en effet le moment de rejoindre les festivités. Les nouveaux époux remontèrent dans leur voiture qui refusa obstinément de démarrer. Ils furent donc acculés à faire de l’autostop et ce n’est qu’ainsi qu’ils purent enfin rejoindre le lieu du banquet. Peut-être se furent-ils moqués à l’arrivée, mais dans leur cœur et, qui plus est le jour de leur mariage, quelle joie ! la joie du don ! celle du oui tout de suite … à Dieu d’abord, à Dieu toujours.

 

Père Gilles Morin,

Curé