J’étais encore enfant et, bien involontairement, dans mon insouciance, j’ai attristé pour ne pas dire contrarié mon grand-père. C’était au détour d’une conversation de table. Ce « patriarche » m’interrogea :
-Que fête-t-on le 11 novembre ?
Je ne savais pas … vraiment pas. Ce jour-là, je me réjouissais de ne pas avoir école. Il ne fallait pas m’en demander plus. Cela me suffisait.
Je revois l’air peiné de mon grand-père, s’indignant de mon ignorance. Avec passion, il me partagea ses souvenirs des tranchées, les drames dont il fut le témoin, les horreurs de la guerre. Tout son être vibrait et s’enflammait.
– Nous nous sommes battus pour notre pays, pour vous, pour la liberté … Vous n’avez pas le droit d’oublier. C’est un trésor que nous vous avons légué.
Ce « patriarche » nous a quittés deux ou trois ans plus tard. Lors de la grande guerre, il avait en effet été « gazé ». À plus ou moins long terme, cela ne pouvait l’épargner.
La solennité de ce jour nous fait un devoir de mémoire et nous pousse à raviver le trésor de la foi qui nous a été transmis.
« La foi catholique, nous dit le catéchisme de l’Eglise Catholique (N°266) consiste en ceci : vénérer un seul Dieu dans la Trinité, et la Trinité dans l’Unité, sans confondre les personnes, sans diviser la substance : car autre est la personne du Père, autre celle du Fils, autre celle de l’Esprit-Saint ; mais du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint, UNE est la divinité, égale la gloire, coéternelle la majesté ».
Nombreux sont nos devanciers qui se sont battus, ont été exilés et persécutés pour que nous puissions être enracinés de ce grand mystère de notre foi. Grâce à eux, nous avons été baptisés, pardonnés, et sauvés au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Nous leurs devons de pouvoir affirmer que Dieu n’est pas solitaire mais qu’il est communion d’amour. Ne l’oublions pas : nous avons été créés à l’image et à la ressemblance de ce Dieu. Nous ne sommes donc pas des êtres appelés à se recroqueviller dans l’individualisme et l’égoïsme. Nous avons vocation à la communion, à l’amour de Dieu et de nos frères. Nous le savons : notre monde s’enlise dans la solitude. Toutes les grandes associations caritatives le soulignent ; toutes les analyses sociologiques le révèlent. Ce constat ne doit-il pas nous inviter à nous interroger ? La racine de ce mal ne doit-il pas se chercher en ce grand mystère trop souvent oublié ? Si, au quotidien, en traçant sur nous le signe de croix et en invoquant la Sainte Trinité, nous savions prendre un peu plus conscience que nous sommes faits pour aimer en vérité, la solitude reculerait, l’humanité serait plus solidaire et plus humaine, plus attentive aux petits et aux pauvres … et nos familles reflèteraient davantage l’être-même de Dieu, à savoir une trinité d’amour.
N’oublions donc jamais ce trésor de notre foi. Tel était bien ce cri du cœur de Saint Grégoire de Naziance adressé aux catéchumènes de Constantinople. C’était au IVème siècle. Ce cri est pour nous, aujourd’hui :
« Avant toutes choses, gardez-moi ce bon dépôt pour lequel je vis et je combats, avec lequel je veux mourir, qui me fait supporter tous les maux et mépriser tous les plaisirs : je veux dire la profession de foi en le Père et le Fils et le Saint-Esprit. Je vous la confie aujourd’hui …/… je vous la donne pour compagne et patronne de toute votre vie. Je vous donne une seule Divinité et Puissance, existant Une dans les Trois, et contenant les Trois d’une manière distincte » (C.E.C N°256)
Père Gilles Morin,
Curé