Gagner des âmes au bon Dieu

« Mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur de l’univers », s’écrie le prophète Isaïe. Nos yeux ne contemplent-ils pas le Roi lorsque le prêtre, en chaque eucharistie, élève l’hostie ? Ne voient-ils pas le Seigneur de l’univers lorsqu’il nous la montre avant de la déposer sur notre langue ou dans le creux de nos mains ? Le Corps du Christ n’est-il pas comme un tison brûlant qui touche nos lèvres, enlève notre faute et pardonne notre péché ?
Que nous dit alors le Seigneur au plus intime de notre cœur ? « Qui enverrai-je ? qui sera notre messager ? ». Avec le prophète, il nous faut répondre avec ardeur : « Moi, je serai ton messager : envoie-moi ». Ce sont les derniers mots du prêtre lorsqu’il conclue la célébration eucharistique : « Allez dans la paix du Christ … portez-la au monde … partez en mission … ».
Il y a peu, nous avons vécu notre première assemblée paroissiale sur le thème « De l’eucharistie à la mission ». Elle fut un temps fort de réflexion et de partage. Nous habitons au milieu d’un peuple aux lèvres impures ; nous restons consternés par l’effondrement des valeurs les plus élémentaires et les errements mortifères de notre société. Notre âme éprise de Dieu peut-elle se recroqueviller égoïstement, riche de son union cœur à cœur et corps à corps avec son Seigneur ? Ne doit-elle pas, tout au contraire, s’émerveiller devant ce trésor et désirer ardemment le faire découvrir à tous les hommes de notre temps ? Notre âme doit être brûlante du désir de gagner des âmes au Roi de l’univers, au Dieu de tout Amour.
Nous étions nombreux, le week-end dernier, à nous rendre en pèlerinage à Ars. Quel temps de grâce ! Saint Jean-Marie Vianney reste pour les prêtres et pour nous tous un beau modèle. « Je voudrais gagner des âmes au Bon Dieu » répétait-il à sa mère.  Homme par excellence de l’Eucharistie, ce fut là toute sa mission. « Notre âme, prêchait-il à ses paroissiens,  est si grande, qu’on ne peut rien concevoir de plus grand, non, rien, rien ! ». Et il ajoutait : « Nous connaissons le prix de notre âme aux efforts que le démon fait pour la perdre. L’enfer se ligue contre elle, le ciel pour elle … Oh ! qu’elle est grande ! ». Nous vivons au milieu d’un peuple qui va jusqu’à en oublier qu’il a une âme, une âme précieuse, une âme faite pour le bonheur éternel. Il faut donc plus que jamais gagner des âmes au bon Dieu. Le Curé d’Ars, au diapason de l’apôtre Paul, aurait pu dire : « Je me suis donné de la peine plus que tous les autres … non pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi ». Le Seigneur a fait de lui un pêcheur d’hommes. Il a rempli ses filets. La fécondité de sa vie fut un prodigieux miracle. Qu’en est-il de nous ?
Nous participons à l’eucharistie. Mais laissons-nous véritablement la grâce de ce sacrement nous embraser, nous porter vers les âmes, nous pousser à la mission ? Jetons tout autour de nous les filets de l’Amour ; jetons-les jusqu’à nous donner de la peine, plus que tous les autres… et la grâce de Dieu, en nous, opérera des miracles. Nous croyons au miracle, n’est-ce pas ? Alors allons de l’eucharistie à la mission.

Père Gilles Morin
Curé